Publié le 19 mai 2025 Mis à jour le 19 mai 2025
Curiosité scientifique, passion pour la technologie et volonté d’agir concrètement au service de la société : c’est ce qui anime Roland Chapuis depuis le début de son parcours. Professeur des universités et responsable du Centre International de Recherche de l’I-SITE CAP2025, il consacre ses travaux à la mobilité intelligente et durable, en lien étroit avec les besoins concrets des territoires.
Dans ce portrait, il partage avec clarté et sincérité les moteurs de son engagement, les projets phares qu’il mène avec ses équipes, ainsi que sa vision de l’évolution du métier d’ingénieur à l’heure de l’intelligence artificielle. Un témoignage inspirant pour les étudiants, les professionnels et tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de la recherche et de la formation scientifique.

Qu’est-ce qui vous a d’abord attiré dans votre domaine de recherche/enseignement ? 

J’ai toujours adoré la technologie, l’électricité, l’électronique, la robotique et l’informatique. Après des études dans ces disciplines, j’ai naturellement effectué un doctorat sur la thématique des véhicules intelligents. L’enseignement était ensuite naturel pour moi : on dit souvent que le métier de chercheur dans les sciences appliquées donne des dizaines d’exemples à des concepts abstraits d’enseignement. C’est tout à fait vrai, mais il ne faut pas oublier que le métier d’enseignant est un métier de rigueur où les outils fondamentaux, pour être compris par les étudiants, doivent être parfaitement maîtrisés. Cette exigence de maîtrise est indispensable pour appuyer une recherche rigoureuse : j’ai beaucoup puisé dans mes activités d’enseignement pour asseoir et nourrir mes recherches.

Pouvez-vous partager un projet ou une innovation récente de votre équipe dont vous êtes particulièrement fier ?

Dans le cadre de mes activités de responsable du CIR-ITPS (Innovative Transportation and Production Systems) mais aussi en tant que chercheur sur les véhicules intelligents, j’ai impulsé un travail de fond sur la mobilité dans les territoires ruraux. Aujourd’hui, les véhicules intelligents apparaissent comme aboutis alors qu’on n’en voit pas réellement évoluer dans nos villes et nos territoires. Nous avons donné une orientation rurale à ces recherches de manière à ne pas être tributaires de connexions 4G ou 5G ni de cartographie préalables délicates à mettre en place et à maintenir en zones rurales. Nous avons ainsi démontré à plusieurs reprises la faisabilité de transporter des individus de manière autonomes sur des sites comme Gergovie ou aujourd’hui sur le site Paleopolis de Gannat. L’objectif est d’offrir des solutions de mobilité autonome pour des sites touristiques mais également et à plus long terme à des gens empêchés dans leurs déplacements (que ce soit pour des raisons de santé, de coût ou autre). 

Comment conciliez-vous vie de chercheur/enseignant et vie personnelle au quotidien ? 

Le métier d’enseignant / chercheur est passionnant et multi-facettes. De ce fait, il est très fréquent que certaines de ses activités débordent du cadre professionnel pour se prolonger dans la sphère privée. Les déplacements pour travail, les rapports à faire ou à relire à la maison, les réunions tardives, l’autoformation (car oui, on n’arrête pas de se former) les copies, etc. sont autant de choses auxquelles est rompu chaque enseignant chercheur. Concilier la vie professionnelle et privée impose nécessairement une compréhension de ses proches. Il faut donc savoir prioriser les choses, voire renoncer à d’autres pour finir par trouver cet équilibre.

Quels conseils donneriez-vous à un futur ingénieur qui hésite encore sur son orientation ?

La vie d’ingénieur devrait être une vie de passion. Certes les exigences en termes de responsabilités, de travail au delà du standard 8h-18h, des coups de stress, des rush sont souvent fortes. Mais bien souvent, ces tâches sont à la fois valorisantes et faites bien souvent avec conscience et passion, et finalement pas si souvent perçues comme des contraintes. 
La fonction d’ingénieur est tellement diverse qu’il est difficile de la cerner pour les jeunes. L’ingénieur peut être manager, développeur, qualiticien, expert scientifique, expert de terrain ; il y a très peu de chance de ne pas trouver le métier qui correspond à un individu quel qu’il soit. Ensuite, il ne faut pas oublier que beaucoup d’ingénieurs ne font pas ce qu’ils pensaient faire en entrant dans leur école : la formation, le cumul des expériences, les stages, les rencontres,... engendrent des opportunités à tout instant et ce dès l’entrée à l’école.

Selon vous, quelles grandes tendances technologiques (ou pédagogiques) vont transformer le métier d’ingénieur dans les prochaines années ?

Sans hésiter, je pense que ce sera l’intelligence artificielle qui va transformer le métier. Aujourd’hui, il s’agit d’un outil qu’on utilise plutôt de loin et ponctuellement. Demain, cet outil sera de plus en plus intégré dans les fonctions de l’ingénieur. Par exemple aujourd’hui il faut reconnaître que les logiciels de simulation ont atteint des niveaux de performance extraordinaires : tout est conçu en CAO avant de prendre le risque de tester en réel. L’interaction avec ces outils et leur maîtrise reste cependant l’affaire d’experts aujourd’hui (c’est vrai pour les logiciels métiers de manière générale). L’intelligence artificielle va aplanir ces difficultés d’interfaçage utilisateur / logiciel pour faire que l’ingénieur se concentrera sur le fond de son expertise, ce qui est une bonne chose. Par contre, il y a fort à parier que des expertises transverses vont disparaître (faire un rapport requiert réflexion, analyse et synthèse). Si on confie ces tâches systématiquement à des IA, les expertises requises vont s’affaiblir mais probablement au profit d’autres qui restent à inventer !