Interview avec Nicolas Sauvat – Etude des bois de Notre-Dame de Paris
À Polytech Clermont, nos enseignants-chercheurs contribuent à des projets scientifiques d’envergure, mêlant innovation et préservation du patrimoine. Nous avons échangé avec Nicolas Sauvat, enseignant-chercheur à l’Institut Pascal, qui participe à l’étude des bois de Notre-Dame de Paris après l’incendie de 2019.
Introduction
Nicolas Sauvat, enseignant-chercheur à Polytech Clermont et membre de l’équipe S2O du laboratoire Institut Pascal, contribue à l’étude des bois de chênes utilisés dans la charpente de Notre-Dame de Paris. Ce projet vise à analyser les propriétés de ces bois anciens dans un intérêt historique, mais également pour estimer le vieillissement des caractéristiques du matériau en vue de l’établissement de règles sur le réemploi du bois en structure.
Questions :
- Contexte scientifique suite à l’incendie
L’effondrement de la charpente de NDP suite à l’incendie de 2019 a permis de récupérer de très nombreux vestiges de la charpente originale des XIIe et XIIIe siècles, mais également des pièces plus tardives liées à des réparations, et à la construction de la flèche par Viollet-le-Duc au XIXe siècle. Ces « reliques » ont été datées et répertoriées par des collègues archéologues par dendrochronologie. - Charpente médiévale
Ces études ont permis de confirmer que la charpente médiévale reposait sur la mise en œuvre de bois de chêne de faible diamètre, non sciés mais simplement équarris, et surtout posés non séchés. Cette dernière disposition prend le contrepied de la charpente moderne où le séchage du bois est obligatoire pour garantir la stabilité dimensionnelle et le comportement mécanique compatible avec les exigences de conception actuelles. - Partenariat
Avec mes collègues Joseph Gril et Rostand Moutou Pitti, nous avons bénéficié du soutien du CNRS à travers le PEPS « FuturVieuxBois ». Nous avons collecté de nombreux échantillons et coordonné différentes études avec des partenaires français et internationaux. La coopération se poursuit actuellement avec le LMGC de Montpellier, l’Université de Kyoto au Japon, et l’Université de Florence en Italie. L’objectif est de comparer le comportement hydrique, mécanique et viscoélastique des bois anciens et récents, autrement dit, comprendre comment le bois ancien réagit à l’humidité ou à la charge par rapport au bois moderne. - Défis rencontrés
La principale difficulté rencontrée dans l’étude du matériau bois est sa variabilité naturelle. Pour quantifier une possible altération des propriétés dans le temps, il faut être capable d’estimer l’état de référence du bois ancien. Or celui-ci est dépendant de l’arbre d’origine lui-même, de ses conditions de croissance, de l’endroit dans le tronc où l’échantillon a été prélevé, bref, tout ce qui fait le charme des « Sciences du Bois ». - Impact de vos recherches
Les résultats de ces mesures nous permettent de creuser deux pistes pour limiter encore l’impact environnemental de la construction bois :
– La construction en bois à l’état vert est possible, même si elle est plus complexe pour garantir la pérennité des structures. Or le séchage artificiel du bois est une étape très énergivore qui, si elle est retirée, diminue encore l’impact environnemental du bois en structure. Nous valorisons actuellement cette piste à travers le projet Sapimac, qui tend à promouvoir l’usage du Sapin pectiné du Massif Central.
– L’étude de bois de 800, 400, 200 ans nous aide à estimer le potentiel vieillissement du matériau, en dehors de l’endommagement mécanique. Cette estimation est importante pour définir des règles d’évaluation pour le réemploi de pièces de bois en structure, afin d’allonger le temps d’usage dans le cycle de vie du matériau, et de limiter les prélèvements sur la ressource.
Ce travail illustre comment la recherche scientifique peut contribuer à la restauration du patrimoine tout en ouvrant des perspectives pour une construction plus durable. C’est une grande fierté pour Polytech Clermont et l’Institut Pascal de participer à un projet aussi symbolique que celui de Notre-Dame.